« Elle avait les yeux noirs desquels on voit du bleu,
Qu’on prend pour l’océan, dans lesquels on voit Dieu,
Qui font toucher du bout des doigts les horizons,
Et toujours à la fin,
On est seul au milieu des vagues de sanglots et du sel dans la gorge,
Et du sel sur la plaie de ce cœur tatoué
A son nom que l’on crie au fond des verres de vin »

« Camille, je vais l'appeler Camille. »

Un bambin au regard ambré, aux cheveux de jais et au corps frêle. Enfant déjà, Camille, Camille était jolie. Plus belle qu'une rose, une rose sans épine, naïve, une rose qu'on veut tous attraper du bout des doigts. On la veut tous, cette enfant aux formes exquises, et au sourire juvénile. Qui n’aurait pas craqué devant la dernière tête blonde des jeunes Lancester.  Ils avaient tous ce sourire candide, qui soignent tous les maux. Mais Juliette était la pire. Elle était cruche, imbécile, et Camille le remarquait facilement. Elle avait une chose que sa famille n’avait pas. Une intelligence développée, une perspicacité a toutes épreuves. Camille comprenait le monde, et c’est ainsi qu’elle développait ce mystère : Elle s’incrustait dans la terre, profondément, et s’enivrait de son mystère, pour s’en servir après. Elle devenait séduisante, elle appelait à l’amour, au désir, tandis qu’elle préférait chanter une chanson sainte. Elle fut un parfait contraste toute sa vie. Une jeune femme au corps de déesse, mais aux idéaux d’une sainte. Hors, ce bébé, ils n'en voulaient pas, et ils l'abandonnèrent devant ce lieu saint, ou on la donna, comme un paquet plein de venin.

« Dans le noir du venin
Ce qu'on est ce qu'on feint,
Dans le bleu de l'absinthe,
[...]
Dans le feu de l'étreinte
De nos corps qui s'esquintent
Dans les constellations,
Les sodominations,
Dans le faux dans le vrai
Dans le brut dans l'abstrait
Ne me laisse pas
A la lisière de nos rêves
M'éteindre entre tes lèvres »

Ce fut un mardi que sa vie bascula. Il ne lui fallut que quelques minutes pour plonger dans une naïveté absurde. Il semblait avoir besoin d’aide, une âme meurtrie que seule Camille pouvait sauver des Limbes. Il était celui et elle voulait être celle. Elle ne manqua pas de l’appeler, de murmurer son prénom mille fois, de faire ruisseler des gouttes de tristesse sur ses joues pour lui prouver au combien elle l’aimait. Elle était un trophée de plus pour cet homme, tandis qu’elle n’en avait jamais connu d’autres. Camille était un mystère, et il voulait en trouver la clé, hors, elle qui comptait tout, avait aussi compté le nombre de chance qu’il aurait de trouver son secret, et malheureusement, le nombre était nul. Personne n’atteindrait son petit cœur triste, protégée par un champ de blé, magique, féerique, que les anges eux-mêmes gardaient. La pauvreté avait frappé sa maison, et elle apprit à vivre avec. Alors quand ses parents de substitution purent caser leur fille avec un très bon parti riche, ils n'hésitèrent pas.

« Définir des possibles pour défier l'impossible
Et m'exploser le cœur
J'en ai plus rien à foutre
Repousser les limites des lignes de ta main
Surfer les horizons,
Ne jamais toucher le fond
Toujours ces autoroutes,
Nos cœurs en cimetière
Au feu les idéaux, au feu les idéaux »

Naturellement, elle en tomba amoureuse comme une enfant rejetée aime le seul qui veuille d'elle. C'est ainsi qu'elle avait perçut les choses, hors, en dehors de son manoir, nombre d'excellent parti espérait se glisser entre les bras saints de notre petite séraphine. Les bons samaritains qu'étaient les Lancester acceptèrent l’union de ces deux êtres totalement différents. Le mariage fut ce qu'il y a de plus simple tandis que le temps renforçait ses sentiments. Camille prenait Hyacinthe comme une mission. Rendre un tyran bon. Abolir cette mascarade.  Mais elle ne le fit pas assez bien, visiblement. Aujourd'hui enfermée dans une cage dorée, elle rêve d'un futur meilleur, elle rêve d'oiseau, de papillon. Son coeur appelle la liberté, mais ses yeux ne peuvent s'extirper de la plaisante vue de son mari. Poète, chanteuse, romancière, son stlo gratte le papier, sa voix enivre les dalles froides. Un jour peut-être réussir-t-elle à quitter cet endroit, ou elle n'a rien à faire. Compter les dalles une à une n'est pas une vie.