La pénombre du soir venait recouvrir la forêt de son épais manteau nuit. Le froid glacial venait fouetter ton visage. Tes cheveux virevoltant au vent, tu tentais d'enfouir ton visage dans le col de ta robe blanche. Tu portais sur toi une robe d'un blanc immaculé, tout en dentelle dont la ceinture n'était qu'un morceau de tissu rouge. Tu te retrouvais pieds nus, marchant sur le sol dur et froid. Tes pieds étaient poussiéreux. Cela devait faire déjà plusieurs minutes que tu marchais dans le froid, tentant de retrouver tes repères. Tu t'étais réveillée toujours au même endroit, face à cet arbre décharné. Ne se trouvait qu'un seul panneau qui était fixé à l'écorce par un clou. Il indiquait qu'un seul endroit: La Forêt Blackwood. Tu te souviens avoir levé un sourcil, perplexe. Tu te demandais quel était ce lieu. Aussi longtemps que tu t'en souviennes, tu n'avais jamais entendu parlé de cet endroit. Tu n'y avais d'ailleurs jamais mis les pieds. En tout cas, cette forêt ne te disait rien. Cependant, tu avais hésité à prendre ce chemin. Tu avais même fait demi-tour, préférant emprunter les chemins sinueux. Malgré tout tes efforts, quelque chose t'empêcher d'avancer plus loin. Il faisait de plus en plus sombre, les buissons se rapprochant étrangement, t'engloutissant. Tu étais obligée de retourner sur tes pas comme si une force invisible te barrait la route.


C'est donc sans choix possible, que tu pris le chemin conduisant à cette fameuse forêt. Au fond de toi, tu n'étais pas rassurée. Tu sentais que quelques chose n'allait pas. Tu avais ce pressentiment, celui des mauvais jours. Tu n'aimais vraiment pas ce qui se passait. Sans compter qu'il faisait nuit noir et que les feuillages des arbres empêchaient les rayons de la lune d'atteindre le sol. Faisant comme une sorte de voûte au-dessus de toi. L'atmosphère en était presque étouffante. Tu continuais donc ton chemin, fatiguée par cette longue marche. Tu venais de t'enfoncer dans une forêt épaisse et encore plus sombre que la précédente. D'habitude, tu aimais venir dans ce monde merveilleux. Mais ce n'était plus tellement le cas à ce moment précis. Ton rêve se transformait en cauchemar. Oui, tu cauchemardais et tu allais bientôt te réveiller... ou pas. C'était tellement réaliste comme rêve...


Les pieds sales, tes cheveux d'ébènes détachés, tu commençais à fatiguer. Tu te demandais si cela allait s'arrêter un jour. C'est alors que tu venais de remarquer quelque chose. Tu étais seule... cruellement seule au milieu de cette forêt désenchantée. Tu pensais alors à Rozar, ta partenaire de toujours. Elle n'était pas présente à tes côtés. Personne n'était à tes côtés. Tu te demandais alors où ils étaient tous passés. Si c'était normal. A ton humble avis, non. Tu savais que rien ne tournait bien en rond, mais tu ne pouvais rien faire pour changer le cour des choses. C'est alors qu'un craquement de branche te fit sursauter. Tu te mis automatiquement accroupi, mains posées au sol pour te réceptionner. Tu guettais. Tu étais attentive au moindre bruit, au moindre son suspect. Tu avais l'impression d'entendre des ricanements autour de toi. Tu avais d'ailleurs remarqué qu'il n'y avait plus aucun bruit. Les animaux n'étaient plus. Un autre signe annonciateur d'un terrible malheur. Oui, tu commençais sérieusement à délirer.


C'est alors qu'un autre bruit, plus proche de toi, se fit entendre. Soudainement, une poussée d'adrénaline mêlée à la peur te happaient. Te redressant rapidement, tu te mis à courir comme pour échapper à un prédateur. Tu étais la proie, tu le savais. Mais tu ne savais pas quel était le prédateur. Tu stoppais donc ta course au bout de quelques secondes, te plaquant contre un arbre. Au loin, tu avais remarqué une silhouette. Un humain! Enfin, tu l'espérais... deux bras, deux jambes, une tête... que voulez-vous que se soit d'autre? Malgré tout, tu étais angoissée, tu ne voulais pas rejoindre cette étrange silhouette. Le problème, c'est qu'elle s'avançait vers toi. Son bras se levait. Elle te faisait un signe? Même si ton cœur battait fort, angoissée, tu n'allais quand même pas lui tourner le dos. Partir et la laisser? Tu en étais incapable, même paralysée par la peur, tu te forcerais à ne laisser personne derrière-toi. Tu ne supporterais pas l'idée d'abandonner une personne. Tu aurais cette vie sur la conscience, donc non merci. Cependant, tu restais où tu étais, ton corps à moitié caché dans le tronc de l'arbre. Se trouvait un trou assez grand pour te cacher. C'est alors qu'une rousse se présentait à toi. Tu l'avais déjà vu plusieurs fois à l'asile, mais tu ne lui avais encore jamais adressé la parole. Tu la tirais alors par le bras pour l'emmener avec toi dans ton trou de souris. A l'intérieur, tu pris la parole, disant la première pensée qui te venait à l'esprit.


"Tu es toute seule? J'ai l'impression de marcher depuis une éternité... tu m'as fait peur... euuh... ton nom?" chuchotais-tu discrètement. Même dans une situation à risque, tu restais fidèle à toi-même: comique. Tu jetais quelques coups d’œil derrière-toi. Quelque chose se tramait... tu le savais... tu le sentais...»

Ton cœur s'était accéléré avant que tu pousses un léger soupir de soulagement. C'était une humaine, rien de plus normal. Cependant, tu t'en voulais de lui avoir fait peur ainsi. Tu n'avais pas réfléchi, tu avais en tête de l'aider. De te cacher avec elle dans le trou de souris suffisamment grand pour deux personnes... Tu étais beaucoup moins stressée en sa présence. Certes, tu ne la connaissais pas, mais elle était humaine. Tu avais enfin rencontré une âme vivante dans cette forêt lugubre et damnée. Oui, cette forêt était damnée et à chacun de tes pas, tu avais l'impression de sentir le sol se soulever... les arbres respirer... tu avais cette malsaine impression que la forêt était vivante et que tu marchais sur elle. Qu'à chacun de tes pas, tu lui faisais mal, marchant sur ses poumons... et que d'un instant à l'autre... elle allait t'aspirer. T'engloutir en son antre pour ne plus jamais revoir les rayons du soleil.


« Evangeline. Je suis perdue dans la forêt depuis plusieurs heures. Avec quelque chose à mes trousses. Je suis contente de voir un être humain ici. C'est quoi le tiens ? Ton nom. » A la réponse de la jeune femme, tu sortais brusquement de tes pensées obscurs, te concentrant de nouveau sur la discussion. Elle s'appelait Evangeline. Elle se sentait suivie... Tu étais surprise en même temps que l'angoisse t'assaillait de toute part. Tu n'étais donc pas folle! Tu sentais bien que quelque chose te suivait. Ce bruit étrange, lourd qui était à quelques mètres de toi... Ce bruit qui t'avait fait courir jusqu'ici... Mais... Et s'il t'avait suivi? Si ton monstre et celui d'Evangeline vous avez suivi jusqu'ici?! Vous les avez attirés jusqu'à vous... Tu étais à deux doigts de vomir tes tripes en réalisant que vous alliez sûrement finir en steak. Pourtant, tu ne savais même pas qui vous suivez. C'était plus fort que toi, tu imaginais un monstre mangeurs d'hommes! Enfin, de femmes dans ce cas-là...


Tu répondais donc à voix basse pour éviter de faire du bruit. Tu ne savais pas pourquoi, mais tu avais l'impression que le monstre était tout près... tout comme Evangeline. "Enchantée Evangeline!" Oui, tu n'oubliais jamais les politesses dans les situations critiques. "J'ai les pieds en sang tellement j'ai marché..." grimaçais-tu de douleur en regardant tes pauvres pieds sans chaussure. Tu étais pieds nus, ne sachant pourquoi d'ailleurs. "Je suis contente aussi, je me sens un peu plus rassurée... Seven, je suis Seven."


Les présentations terminées, tu observais Evangeline regarder dehors. Tu faisais de même. Tu avais peur qu'en sortant du tronc, que le monstre te happe et te dévore. Tu fermais les yeux, respirant et expirant doucement. Tu ne voulais pas te laisser gagner par la peur.  Inconsciemment, tu pris la main d'Evangeline sans même t'en rendre compte. Tu la serrais dans la tienne comme pour te rassurer. Ton regard était fixé dehors. "Que faisons-nous maintenant?" demandais-tu d'une voix calme. "Toi aussi tu... entends des pas?" Ton cœur s'accélérait de plus bel. Tu espérais sincèrement être folle! Tu espérais sincèrement que les pas que tu entendais n'étaient que dans ton esprit chaotique. Les pas se rapprochaient, puis s'éloignaient, puis... plus rien... puis deux pas... puis plus rien... Un manège malsain, fou se déroulait près de vous. Tu avais l'impression que le monstre était... humain... qu'il le faisait exprès... qu'il jouait avec vos nerfs...»

Ton cœur... seule mettre à bord de tes émotions. La présence de la jeune femme te rassurait plus, même si tu savais qu'à seulement deux, vous restiez tout de même vulnérables. Vous étiez d'autant plus vulnérables que vous ne connaissiez pas votre principal adversaire. Car oui, tu le sentais. On t'avait suivi jusqu'ici, on t'avait traqué... tu te demandais même si cela n'avait pas été fait exprès.... Et si... Et si on t'avait conduis jusqu'ici à ton insu? Si le monstre en question t'avait traqué pour que tu suives exactement le chemin qu'il voulait que tu empruntes? Si cela faisait partie de son plan? Alors, si cela était bien le cas, tu étais morte. Ainsi que ta partenaire d'infortune, vous étiez condamnées. Toujours au fond de ce trou, tu commençais à devenir complètement parano.


Tu sentais alors Evangeline serrer ta main. Elle répondait à ton appel, celui de la peur et du réconfort. Tu avais besoin de te sentir en sécurité, du moins, un minimum. Le fait qu'elle soit à tes côtés te rassurait quelque peu, même si tu savais que deux jeunes filles n'allaient pas réussir à vaincre le démon de leurs cauchemars... Tu lui parlais donc, pour combler ce vide pesant, mais aussi pour te tenir en éveil. Tu ne voulais pas te faire happer. Tu ne voulais pas te laisser submerger par la peur. Tu ne voulais pas que ce démon insidieux te possède totalement. Alors, tu parlais, à voix basse pour ne pas te faire repérer, mais tu parlais. Puis... des bruits de pas se fit entendre... Tu avais demandé à Evangeline si elle pouvait confirmer tes craintes. Elle acquiesçait de la tête. Tu n'étais donc pas folle, à ton plus grand désespoir. Tu fermais les yeux un instant, inspirant, puis expirant de l'air doucement avant de ré-ouvrir les yeux, le regard déterminé. Au fond, tu rageais. Tu t'en voulais d'avoir autant peur, mais qui pouvait te blâmer?! Plus d'un aurait déjà fait dans leur pantalon ou aurait crié à la mort, se faisant prendre par le monstre. Puis... alors que tu observais l'extérieur tout autant que ta camarade, tu vis au loin quelque chose bouger, se dissimuler furtivement entre les arbres. Ce monstre tapis dans l'ombre. Il était là... ces yeux... "C'est une bête..." murmurais-tu entre tes lèvres, ne te rendant pas compte que tu avais exprimé ta pensée.


Ton cœur cognait tellement fort que tu avais l'impression qu'il allait sortir de ta poitrine, prendre la poudre d'escampette! A cet instant précis, tu priais pour qu'on t'achève maintenant, tout de suite! Tu volais te volatiliser! Bref, disparaître de ce lieu morbide, de ce cimetière... de ta future demeure pour ton repos éternel... Tu chuchotais "Il sait qu'on est là... il le sait!" Tu cessais de parler, un craquement de branche tout près de votre arbre venait de se briser. Tu te raidissais littéralement, te rapprochant d'Evangeline. Tu la fixais alors droit dans les yeux, sûre de toi même si la peur transperçait ton regard, tu tentais d'être courageuse... Tu ne voulais pas te laisser faire et tu voulais sauver Evangeline. Oui, c'était ton côté Blanche-Neige qui s'exprimait, héroïne et ayant le sens du sacrifice. "Il faut faire quelque chose... si on reste, on est prise au piège, mais si on sort... on risque de..." Tu ne finissais pas ta phrase. Le dire était trop dur. Tu ne voulais pas imaginer ce qui vous arriverez si vous osiez mettre le pied dehors... Mais que faire d'autre? Rester ici à attendre qu'on vienne vous chercher? Ou sortir et se faire dévorer? Dans les deux cas, tu avais l'impression qu'aucune des solutions n'étaient la bonne... pourtant, il y en avait une, mais laquelle? »

Tu sentais l'angoisse monter lentement, lancinante, parcourant les moindres parcelles de ton corps, sournoise... à l'image de cette bête qui vous fixez toutes les deux sans ciller. Passant furtivement entre les arbres, disparaissant pour réapparaître de plus bel, plus près de vous, plus menaçant. Ces yeux... tu n'arrivais plus à les effacer de ta mémoire comme si en le regardant, il s'était imprimé dans ton esprit, gravée dans la pierre. A peine que tu fermais les yeux, tu voyais la bête... tu voyais ces yeux menaçants te fixer, te posséder, te dévorer du regard. Il te voulait... il vous voulait... Il avait faim... mais sûrement pas assez pour prendre son temps et s'amuser avec vous tel une souris dans les pattes du chat. Il jouait à un jeu dangereux, malsain où les brebis n'étaient autres que toi et Evangeline, ta camarade d'infortune. Tu te sentais comme responsable d'elle. Ton côté protecteur te poussait à prendre soin d'elle, à t'en occuper du mieux que tu pouvais. Mais ta peur te paralysait. Tes nerfs allaient bientôt te lâcher. Tu ne savais pas pourquoi, mais tu te sentais soudainement ballonnée, bercée, transportée, comme si tu ne touchais plus terre.


Tu te sentais même partir loin avant de revenir aussitôt, la peur et le danger te maintenaient en éveil. Tu avais cette étrange impression que quelque chose au fond de toi se mouvait. Tu te sentais bercée, presque aspirée à certains moments. En réalité, tu possédais sept autres personnalités que la tienne, liée à toi d'une certaine manière, certaines d'entre elles pouvant ressentir tes émotions et les vivre. C'est qu'au plus profond de ton être, certaines ressentaient ta peur. Il y avait donc un combat interne, entre celles qui prendraient ta place pour surmonter ce défi. Mais qui était apte à affronter la bête? Sûrement Doc qui n'était autre que Prof. Ou peut-être Grumpy? Personne ne pouvait le savoir, mais une chose était sûre. Dans une situation à part, bien définit, c'était toujours la personnalité la mieux compatible qui faisait surface. Alors, si Seven n'était pas à la hauteur, une autre viendra prendre sa place... mais quand? Maintenant? Plus tard? Ou jamais?


Tu te baissais donc pour te mettre à la hauteur d'Evangeline. Elle s'était recroquevillée sur elle-même. Tu avais tenté de lui proposer une solution, mais tu ne savais pas laquelle était la mieux. Quelle était la meilleure solution? Tu avais beau retourner le problème dans ta tête encore et encore, tu ne voyais que comme issue... la mort... Tu prenais alors les mains d'Evangeline dans les tiennes, essayant de capter son regard. Tu voulais la rassurer alors que tu étais tout aussi apeurée. Cependant, tu étais courageuse. Malgré la peur, tu puisais dans tes forces les plus solides pour résister. Alors, si Evangeline flanchait, tu serais présente pour elle. Tu serais le guide. Prenant à cœur cette responsabilité d'une importance plus que vitale, tu te sentais soudainement partir... Tu te sentais aspirée... Non... Il ne fallait pas... Pas maintenant... Crac! Tu revenais à toi, tournant rapidement la tête en direction de la sortie. Tu avais serré fermement les mains d'Evangeline sous l'effet de la peur. Tu prenais alors une branche d'arbre qui traînait au sol. Complètement inutile vu la situation, mais si tu devais crever, autant ne pas mourir sans avoir tenté de te défendre.


C'est alors que tu vis un homme s'approcher de vous. Tu paniquais. Tu savais qu'il était bel et bien humain. Ce qui te paniquait, c'est qu'il n'y avait plus de place pour une autre personne dans le tronc! La Seven que tu étais l'aurai accueilli à bras ouverts, comme une cruche... mais tu n'étais plus Seven... Tu ne l'étais presque plus... Tu le fixais abasourdie, lâchant spontanément "T'as pas été bouffé? Comment tu es arrivé jusque-là?!" murmurais-tu toujours... même si cela ne servait à rien, la bête savait où tu te cachais... Ne sachant pourquoi, rien qu'en le voyant venir vers vous, tu sentais la colère monter en toi. Il était ivre, tenant pathétiquement sa bouteille dans les mains. Tu n'en pouvais plus. Et le fait qu'il lâche un « Surtout restez calme … » te faisait rire intérieurement. C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Ne savait-il pas ce qui se passait dans cette maudite forêt?


Tu partie, cette fois-ci, définitivement dans les entrailles de ton être, dans les méandres de ton esprit... Alors que Doc allait surgir, c'était Grumpy qui prenait ta place Seven, qui, sous la colère, t'es-tu laissée happer par cette personnalité la plus atypique, la plus colérique, mais sûrement la plus forte d'entre toutes. Tu étais maintenant quelqu'un d'autre, défendant ton territoire. "Tu vas maintenant dégager de là, si quelqu'un doit se faire bouffer, c'est bien toi!" Quelle entrée en matière! Tu ne prenais pas de gant quand tu étais Grumpy. Disant cash ce que tu pensais, ayant des pensées fourbes et des intérêts plus que personnels. Alors que Seven l'aurai protégé, en Grumpy, tu voulais simplement t'en servir pour faire diversion. Qu'il se fasse dévorer à ta place. Etrangement que cela puisse paraître, tu continuais à protéger Evangeline, t'étant mise devant elle pour que l'homme ne s'approche pas. Tu te méfiais de tout le monde. Plus personne ne pouvait mériter ta compassion. C'était fini... Tu étais Grumpy... »