« Je ne saurais vous dire si j'ai eu use enfance épanouie. Mes paretns étaient tout deux fréquemment absents, mon père était un journaliste réputé, l'unique fierté de notre quartier. Ainsi, l'argent ne manquait guère et coulait même à flots.. Vous savez que vous êtes une des rares personnes à savoir autant de choses sur moi? Je sais que ça ne peut paraître que des broutilles, des informations banales, et pourtant j'ai toujours haï parler de ma vie. Peut-être avais-je peur au fond de moi, peur d'être confronté à mon passé comme je l'ai été? J'ai souvent été méfiante, en toutes situations, mais avec vous, je me sens bien, je pourrais vous parler des heures de moi. Certes à nos débuts, ce n'était pas vraiment ça... mais les psychologues, psychiatres et autres ne m'ont jamais inspiré confiance. Lorsque l'on vous arrache de votre vie, suite à de l'auto-défense et que l'on vous colle toutes les pathologies inimaginables au dos, je me dis que ces personnes font mal leur travail, qu'ils se contentent de s'arrêter aux faits énoncés. Après tout je suis folle, quelle folle aurait raison? C'est pour ça que j'ai fait des études en psychologie, pour faire changer les choses et le monde. Quand je vois que l'homosexualité est jugée comme inhumaine, non naturelle, je ne comprends pas la démarche scientifique qui se cache derrière ça: toutes choses observables sur Terre ont été créées par la nature, qu'ils s'agissent des plus atroces maladies aux plus petit être de ce monde. Alors on a associé l'homosexualité à une maladie, car dans la Bible il n'y a qu'Adam et Eve, et non Adam et Adam ou encore Eve et Eve. Mais c'est bien leur soit-disant Dieu qui les a fait exister non? C'est Dieu qui les a créés, et je croyais qu'il ne fallait pas toucher à la création de leur "tout puissant maître". C'est dingue de les voir détourner la Bible selon leur opinion, tirant profit de chaque ligne, de chaque mot, selon la situation. Bon revenons au début, je ne suis pas là pour partager mon avis, je sais. D'ailleurs promettez-moi de ne rien leur dire? Ils vont comprendre de suite que j'ai un penchant pour les êtres de sexe féminin, et tous leurs traitements ont failli me détruire, et je vous en prie, ne les faites pas recommencer... Elle observe le mur un instant avant de reprendre son souffle pour parler à nouveau. Donc, comme je le disais, mes parents n'étaient jamais présents pour moi. Mon père venait de temps à autres, me déposait un baiser sur la joue puis repartait. Ma mère, quant à elle, fuyait le domicile familial pour diverses raisons, mais bien souvent pour retrouver ses amies, à une de leurs réunions de commères. Je n'ai jamais compris ce besoin incessant de l'humain à vouloir connaître la vie d'autrui, comme si il craignait d'être face à la leur. Donc, ils avaient embauché une domestique noire: elle s'occupait de moi et nettoyait. Elle s'appelait Abigaïl. c'était une personne généreuse, et la seule personne qui me comprenait. J'ai rapidement tourné le dos à ma mère et préférait passer mon temps avec ma nounou, bien plus disposée à prendre soin de moi. Ma mère ne voulait pas des tâches ménagères, ni du temps que peut nous prendre un enfant.. Alors pourquoi m'avoir mise au monde? A vrai dire, je pense que si la société n'associait pas la vie idéale à: un mari, une belle maison et des enfants, je ne serais sûrement pas là aujourd'hui. Toute ma vie a été réglée par les formalités. Il fallait s'habiller comme ça, faire ça, ne pas parler à telle ou telle personne. Je n'avais pas le droit d'être moi-même. Je me faisais reprendre dès que je faisais preuve de mauvaises manières ou impolitesse. Tout le monde m'admirait, j'étais la fille idéale que tant de personnes auraient souhaité avoir. Mais tandis que je laissais ce culte de la personnalité se développer, je commençais à forger ma propre opinion, une opinion qui allait à l'encontre de celle d'une fille de mon ordre social paraissait-il. Mais je m'en moquais, si il fallait se battre, tant pis. Tout commença à 12-13 ans. Mon corps commençait à se transformer, je devenais une jeune femme. Evidemment ma mère rarement présente pour moi confiait la tâche de me préparer à cette transformation auprès d'Abi. Elle me parla des sentiments amoureux, des règles, des soutien-gorges. Mais lorsqu'elle me parla d'amour, je ne pus m'empêcher de lui parler de son fils que je trouvais à vrai dire très charmant à l'époque. Lorsqu'elle me répondit que de toute manière c'était impossible, je pensais au début qu'elle faisait référence à notre âge. Mais bien évidemment elle suggérait la différence de couleur de peau à travers sa réponse. Je ne le sus que quelques jours après: mon père qui rentrait du travail commença à parler à ma mère d'un fait divers qui venait de se produire il y a peu. Je surpris leur conversation que je mis à écouter en haut des grands escaliers, tandis que Abi nettoyait la chambre de mes parents: un homme noir aurait été tabassé à mort après être sorti avec une jeune fille blanche. Je me suis davantage renseignée sur cette question, moi qui avais été depuis toute petite protégée par le monde extérieur: le KKK, les lois contre la ségrégation, tout, j'avais trouvé tout ce que je pouvais trouver. Pourquoi de manière irrationnelle les blancs étaient jugés supérieurs aux noirs? J'étais petite, je ne comprenais pas leur raisonnement.. et vous savez pourquoi? Parce qu'il ne s'agissait guère d'un  raisonnement.Ils justifiaient cette séparation, par leur doctrine "séparés mais égaux". Je comprenais mieux certains faits observés, comme les fontaines attitrées aux personnes de couleur dans la rue. le monde était devenues plus claire à mes yeux, assez claire pour que je devine à quel point il était sombre.. Si c'est à ce moment là que j'ai commencé à émettre de la haine envers l'espèce humaine? Je ne sais pas. Peut-être. Mais au fond de moi, je crois que ça a toujours été encrée, et que les différents passages de la vie ne m'ont fait que le révéler au grand jour... Vous savez je ne hais que le groupe que forme l'humanité, pas les hommes individuellement. A vrai dire, c'est leur comportement qui me déboussole, mais j'ai appris à faire la part des choses sur certains points. Je sais que chaque individu n'est pas comme je l'imagine dans mon esprit, et j'ai rencontré des personnes qui m'ont fait reprendre foi en le genre humain, comme vous. Je me dis que tout n'est peut-être pas perdu au fond. Surtout quand j'ai entendu parler de la 2nde Guerre Mondiale, un ancien ami de mon père est revenu de Londres, il y a peu de temps. Ces deux-là avaient coupé tout lien après que mon père ait tenu des propos discriminatoires. Lorsqu'il m'a vu, il ne m'a pas reconnu: la dernière fois qu'il m'avait entrevue, je devais probablement avoir 15 ans. Mais moi, je l'ai reconnu,n ce regard déterminé, ce même sourire apaisé, il n'avait pas changé. Evidemment quand je l'ai abordé dans la rue, en dévoilant mon identité, il est resté silencieux un instant, je dus lui dire que j'étais loin de partager l'opinion de mon père pour qu'il daigne m'adresser la parole. C'est bien la seule personne de qui je me suis approchée, de toute ma vie, car c'était une lueur d'espoir pour moi, ce genre de personnes qui seraient capables de perdre sa vie pour les droits des autres, un homme respectable. De plus, j'étais présente lors de leur ultime dispute. Bien sûr quand il a voulu me faire la bise, je l'ai gentiment repoussé; je n'ai jamais supporté le contact avec un autre être humain, ça m'a toujours dégoûté. Heureusement, il n'a pas été vexé, juste légèrement surpris. Il m'a raconté son périple, et m'a parlé de ce qui s'était produit en France, des camps de concentration, des gens qui préféraient faire semblant de ne rien croire. Il m'a tout expliqué, ce qu'on faisait aux détenus, aux enfants.. Je ne sais pas si on vous en a parlé à vous, car peu de personnes souhaitent aborder ce sujet, mais c'est atroce d'imaginer que l'horreur humaine pouvait atteindre un tel stade. Il m'avait décrit l'état physique de certains enfants. Cet Hitler était un homme vraiment intelligent, on aura beau l'insulter, on ne pourra lui retirer l'intelligence qu'il avait. Je suis presque admirable de tout ce qu'il a su accomplir. Et vous savez, j'ai moins de haine pour lui que pour le monde entier qui est resté aveugle devant tout ce phénomène, comme si ç semblait normal. Et c'est partout comme ça, j'ai plus de haine envers ceux qui n'ont rien fait face à la discrimination subie par les Noirs, qu'envers le KKK. Je sais que je prends des cas extrêmes, mais je ne comprendrais jamais les gens qui osent rester aveugles, persuadés que leur passivité est la preuve de leur non-culpabilité. Moi, je ne suis pas d'accord, imaginez si tout le monde pensait de la même manière où en serait le monde? C'est le monde qui me fait détester le genre humain, c'est leur comportement à toujours se justifier sur tout. Ne rien faire c'est déjà un délit à mes yeux. Et vous savez quoi? J'étais bien décidée à montrer que je n'étais pas de ceux qui restent sagement chez eux à attendre que ça passe, de ceux qui se contentent d'être scandalisés par les informations, sans ne jamais rien faire. Vous allez vous dire "ce n'est pas une gamine qui va faire changer le monde", et c'est exactement ce que chacun pense dans son coin: "oh que je rejoigne cette cause ou non, un de plus ou un de moins, ça ne change rien". Vous avez tort. Imaginons, un nouveau restaurant vient d'ouvrir près de chez vous. Curieux, vous y allez, accompagné ou non. Des gens vont vous voir, intrigués, ils vont soit se décider à y entre, soit passer leur chemin. Et plus le nombre devient important, plus la clientèle arrive. Les hommes sont de vulgaires moutons, il faut savoir tirer un avantage à ce comportement. Bon revenons à ce que j'ai fait. J'ai provoqué tout bonnement. J'ai rejoint des amis noir que j'avais rencontrés lors de manifestations, lors d'actions. On se présentait ensemble, on s'embrassait publiquement, on s'installait tous ensemble aux places réservées exclusivement aux blancs tous ensemble. Les gens nous regardaient horrifiés. Parfois certains avaient recours à la violence. J'ai collectionné les arrestations, au grand malheur de mes parents, qui me traitaient de bonne à rien d'aliénées. Plusieurs fois, j'ai été privée de sortie, même d'aller au lycée, par peur que je n'y aille pas pour rejoindre "la bande de voyous" qui me servaient d'amis. Les mots de mes parents étaient durs, mais je m'en moquais, je n'étais pas touchée par les propos de personnes qui n'ont jamais su être là pour moi. Après tout, sil ils avaient été plus souvent à mes côtés, ils auraient peut-être réussi à me modeler comme ils l'entendaient, faisant de moi un être aussi répugnant qu'eux. Ils avaient qu'à être là quand il le fallait. Evidemment, ils faisaient tout pour effacer toute preuve de mes passages aux commissariat, se contentant de démentir ceux que disaient ses amies, me trouvant des excuses: "ses noirs se sont imposés à côté d'elle, et ma fille étant de nature pacifiste n'a rien fait... blablabla.. alors ils ont cru qu'elle était avec eux". Je ne sais pas si ma mère était consciente que ses amies ne croyaient en aucun de ses mensonges, je veux bien qu'une des malchances adviennent une fois, mais au bout d'une dizaine de fois, la crédibilité de la justification laisse à désirer. Evidemment ma mère a renvoyé Abi, dès les débuts de ces débordements, persuadée qu'elle était à l'origine de tout ça, de mes divagations, de ma démence... Je m'en suis voulue longtemps. Déjà que son absence pesait sur moi alors ma responsabilité quant à cette situation ne faisait que m'enfoncer plus bas que terre. De plus, ma famille ayant un impact important dans toute la ville, il suffit que ma mère fasse circuler des rumeurs au sujet d'Abi pour qu'elle ne trouve plus de travail et ainsi de quoi vivre. Je ne sais pas si ma mère a fait recours à de tels moyens, mais des fois, je pense à elle, et me demande dans quelle galère je l'ai mise.  »

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