« I. UNE VIE DÉTRUITE SOUS LE TIC TAC DE L'HORLOGE DU TEMPS

Tu grandis, lentement, doucement, sûrement. Tu t’épanouissais et ton regard pur se ternissait, s’assombrissait devant les horreur du monde où tu vivais. Ton innocence ainsi que ta joie partirent, s’envolèrent. Car tu étais la victime d’un acte barbare, horrible. Quotidiennement, tu traînais les pieds pour rentrer de ta journée scolaire en compagnie de ta mère. Tu serrais sa main pour capter son regard et dès que tu eus son attention, tu dis, une lueur paniquée dans tes iris bleutée ternis : « on est pas obligé de rentrer. » Elle souriait et en contrejour, son teint pâle ressortait. Tu pouvais aisément voir ses bleus apparaître. Et tu souffrais pour elle. Tu souffrais avec elle. Animé par la même peur. Tremblant pour les mêmes raisons. Mais elle ne répondait jamais. Se contentant de poser ses lèvres sur ton front, mouillant ta peau de la peur qui l’animait de devoir rentrer. Alors tu la suivais, réaffirmant ta prise sur ton sac à dos qui te creusait le dos. La soirée se déroulait toujours dans le même schéma. Tu laissais tes parents croient que tu montais te coucher, attendais un instant avant de revenir quand la voix commençait à monter. Tu te cachais au même endroit, ramenant tes genoux contre ton torse pour pouvoir les entourer de tes bras en position fœtus. Tu ne voyais pas leurs visages mais discernait parfaitement le visage crispé par l’alcool et la colère de ton père et les traits apeuré mais résolu de ta mère. Le poing de ton père s’abattit sur la table alors qu’un sursaut de peur animait ton corps un instant. « tu insinues que j’éduque mal notre fils ? tu insinues que je ne sais pas m’en occuper ? c’est ça que tu insinues ? » Sa voix transpirait la haine, la dominance et ta mère essayait de se faire toute petite. Reniant ce dont elle était accusée par des petites phrases à peine audible. Agacé de cela, ton père se levait, laissant sa chaise tomber, claquant le silence comme la promesse de mille bruits dans les prochaines minutes. Il la frappait, principalement au ventre, cassant sûrement plusieurs côtes au passage répétitif de son poing. Elle gémissait et se laissait tomber au sol, se tenant le ventre. Ta main vint se mettre sur ta bouche pour étouffer un cri d’horreur. Tu avais tant voulu te mettre entre ta mère et ce monstre qu’était ton père mais tu ne pouvais pas. Tu étais juste le spectateur, en aucun cas l’acteur. Ton père continuait ses coups, son pied la finissant à terre. Il s’en fichait si elle aurait des bleus, si elle succomberait à ses blessures. Il avait juste cette soif de libération. « je fais ce que je veux de notre fils. il est comme moi. il est à moi. comme toi et ton cul de pute sont à moi ! » Tu fermais les yeux, une demie seconde avant de les rouvrir, te tétanisant aussitôt. Le regard faible de ta mère était tourné vers toi et seulement vers toi. Tout son amour passait dans ses derniers mais aussi une affreuse angoisse qui fit ce tordre ton ventre.  

Tu tremblais un peu avant d’être pris de violentes secousses quand ton père se retourna vers toi. Son regard brûlait d’animosité quand la chaise sous laquelle tu t’abritais vola, te mettant ainsi à nu, sans protection devant ce symbole d’autorité. Il empoignait ton bras alors que des supplices sortaient de ta bouche tordu dans une grimace de frayeur : « s’il te plaît … papa ! papa ! … je-j’ai j’ai pas fait exprès ! je voulais pa- » Ta phrase mourut entre tes lèvres quand ton corps rencontra le mur. Le choc était violent.  Tu eu juste le temps de cacher tes yeux entrer tes mains flageolant avant qu’un bruit de fracas se fit entendre près de toi. Quand tu osais rouvrir les yeux, ton regard tomba sur tes mains poisseuses de sang frais et de verre. Observant pendant un temps infime ce sang qui était le tien s’écouler, rouler sur ta peau meurtrit. Un cri te fit sortir de ta contemplation malsaine. Il venait de recommencer ses coups. Sauf que là, tu n’avais plus d’endroit pour te cacher. Tu étais perdu et dans un élan de maladresse et de folie, tu t’approchais de tes parents, cherchant à repousser ton père qui couvrait ta mère. Il t’agrippait par le bras et te soulevait. Tu grimaces mais es en quelque sorte heureux de laisser un peu de répit à ta mère. Il t’amène à l’horloge familiale, grande et en bois peint. Tu prends peur mais tu ne peux pas fuir. Tu essaies de reculer mais plus tu recules, plus il resserre sa prise sur ton bras et la douleur te lâche des plaintes étouffé. Il ouvre l’horloge et t’y jettes dedans. Avant même que tu ne te rendes compte que tu es libre de mouvement, il ferme à clef et revient vers ta mère. Tu ne peux rien voir, il fait noir mais tu peux entendre. Parfaitement. Sous le tic-tac de l’horloge, tu perçois les cris de ta mère un long moment avant que tout ne sois calme, simplement bercé par les aiguilles sur le cadran. Tu as peur, tu trembles mais tu ne cries pas à l’aide, tu sais que cela ne sert à rien. Tu laisses juste la crise de panique te prendre ta force, te prendre ton souffle, tes muscles. Le début de ton enfer commença alors sous les douze coups de minuit.

II. LE TEMPS FAIT TOUJOURS DÉFAUT.

Tu aimerais dire que ta vie est simple, belle. Mais tu ne peux pas. Tu ne peux pas dire qu’elle est belle car la beauté a été défigurée par deux grandes mains calleuses et sales. Tu ne peux pas dire qu’elle est simple car la simplicité ne fait pas partie de l’être humain. Rien n’est simple. Surtout pas pour toi. « parlez-moi de vous. de votre famille. » Tu baissais les yeux. Pourtant elle ne pouvait pas se taire. Pourquoi ils ne pouvaient pas le laisser tranquille. Tu ne veux pas en parler. Tu ne veux pas et eux, les gens normaux, ils veulent. Alors tu relèves tes yeux bleus vers elle, vers le monde que tu aimerais beaucoup en faire partie et tu réponds : « vous pensez quoi de la mort ?» Elle te dévisage un instant avant de marquer quelque chose sur son carnet. Elle va encore te demander d’aller voir quelqu’un pour parler. Tu n’avais pas envie de parler. Pourquoi ils ne te laissaient pas tranquille. « il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir. » Tu rigoles. Tu rigoles à t’en tordre le dos tellement tu es plié en deux. Tu rigoles à t’en dessécher la gorge. Car elle a raison. Car ils ont raison tous. Un temps pour vivre, un temps pour mourir. Sauf que ta vie toi, tu la passes dans la mort. Tu la passes dans l’attente de pouvoir vivre. Le temps était contre toi. Tu tombes de ta chaise, pris d’un nouveau fou rire incontrôlé. Tes éclats de rire se brouillent avec des éclats de pleure et tu finis par sangloter. Ton corps se recroqueville et tu fermes les yeux le plus fort possible. Tu connais cette sensation et comme à ton habitude tu attendras que la crise ravage ton corps. Tu as oublié la dame qui semble affolée par ton corps convulsé et elle se met à chercher du temps pour que tu ne t’étouffe pas avec ta langue à force de crier ton mal. Sauf que toi tu sais que le temps te fuis. Le temps ne veut pas te voir. Il n’a pas peur de toi, il te déteste. Et il te ferra souffrir le plus longtemps alors que tu essaies d’ouvrir la bouche à la recherche d’un souffle.

Le réveil a toujours été difficile. Dès que tu ouvres tes yeux, tout tes muscles se crispent, t’arrache une plainte qui alerte les gens autour de toi. Ils dramatisent tout. Ce n’était rien qu’une crise. Lorsque ton corps se détend, que tu peux reprendre ton souffle, tu observes ce qui t’entoure. Ce n’est plus la même pièce et le changement de décor te donne un instant le tournis. C’est une chambre d’hôpital. Tu es à l’hôpital. Les machines qui t’entourent se mirent à s’affoler alors que tu sens une nouvelle crise s’approcher de toi face à tes peurs. Et c’est une très très mauvaise idée. Les infirmières rentrent, suivis de ton père. Son simple regard t’envoie à la froideur de l’horloge. Son simple toucher t’envoie des vagues de douleur ancienne et future. Tu sais que tu vas encore souffrir et tu ne veux pas. Tu aimerais dire stop. Tu aimerais appeler à l’aide mais ta gorge se serre sous la soumission de ton père. Il connait bien tes peurs et sait parfaitement comment te faire taire. Alors tu restes silencieux même si tu aimerais tant parler. Pourquoi tu n’as pas parlé lorsqu’on t’en donnait l’occasion ? A croire que tu voulais rester dans cet enfer. A croire que cet enfer était devenu le tien.  Tu es las, laisses tes yeux se closent et tu te laisses partir. Dans tes rêves tu peux t’enfuir, tu peux partir le plus loin que tu veux. Tu ne crains rien. Le sommeil est là pour te désillusionné. Et quand la froideur mordante du mur qui rencontre ton front te réveille, tu fermes plus fort les yeux, cherchant à fuir ce monde. Sauf que jamais tu ne le fuiras. Tu t’endormiras tous les soirs dans la moiteur de cette horloge, sous son tic-tac incessant.

III. CROIRE JUSQU'A CE QUE ÇA CE REALISE.

S’évader. Verbe pronominal qui voulait se définir dans le dictionnaire comme étant le fait de se soustraire volontairement à des contraintes. Avant, cette définition ne voulait rien dire pour toi. Une simple ligne imprimée dans un noir occulte dans un livre à la bordure douce et aux pointes piquantes. Mais maintenant, tu comprends mieux. Tu vis cette définition depuis une semaine. Te soustraire à cette dominance paternelle a été difficile, rude. Tu aurais pu mourir ce soir-là. On aurait retrouvé ton corps recouvert d’ecchymose dans une ruelle abandonnée sans savoir qui tu étais. Car c’est vrai, tu n’étais personne. Ton père t’avait volé ton identité à te défigurer tant d’heure. Cela faisait plusieurs années que tu n’avais pas eues de contact avec le monde. Cela faisait exactement dix-huit ans que tu avais été soumis sous ce toit qui était devenu ton terrier. Comment réagir face aux gens ? Dès que tu t’en approchais, il suffisait qu’ils fassent un geste en ta direction pour que tu t’enfuies. Tu ne sais pas où aller. Tu es perdu. Alors tu t’accroupis, ton dos buttant contre un mur et tu enfouis ta tête entre tes mains. Un homme de vingt-huit ans devrait réagir comme un enfant de dix ans. « monsieur ? monsieur ? vous allez bien ? » Cette voix, douce et élancée était tourné vers toi. On s’adressait à toi ou à quelqu’un d’autre ? Tu relèves ton visage et ton regard s’ancre dans celui d’une jeune femme. Elle est belle. Et elle semble te porter le même intérêt que toi pour elle. Tu essuies ta joue pour chasser les larmes qui étaient coulées en traite avant de commencer à t’activer, regardant autour de toi comme si tu essayais de savoir où tu étais. « je ...  » Ton tons est grave, roque, comme si tu avais du mal à te servir de ta voix. L’inconnue semble s’en apercevoir et propose son bras, fin et pâle. Elle propose son aide et tu la saisis, te levant avec son aide. Tu n’écoutais pas réellement ce qu’elle te disait, tu capturais juste des mots. Elya. Elle devait se nommer ainsi. A moins qu’elle parlait de sa sœur qui a eu un accident il y a un mois avec sa voiture. Tu capturais aussi le fait qu’elle t’emmenait chez elle pour … pour tu n’as pas suivis. Tu était dans un état second, connecté à la réalité que par sa voix.

Elle continuait de te parler et t’acquiesçais par moment sans réellement écouter ce qu’elle te disait. Tu étais hypnotisé par ses formes. Un désir profond te brûlait de l’intérieur. Cela était insupportable mais tellement bon. Ton regard était toujours attiré par la forme généreuse de son séant. Sans même t’en rendre compte, tu étais déjà assis sur une chaise, chez elle. C’était joli. Mais ça ne t’intéressait pas. Seule l’odeur qu’elle émanait  t’intéresse. Tu avais envie de plus. Tu t’approchais d’elle, lentement, doucement et d’un geste sur et pleins d’assurance, tu posais tes mains sur ses hanches pour l’attirer à toi. Elle lâchait un petit cri de surprise, son esprit surement vaguait à d’autre chose.  Pas le tien, il était totalement concentré sur elle, sur ses formes, sur sa respiration, sur son parfum, sur elle.  Rapidement, d’un commun accord, elle te repoussait sur le lit, couvrant ton corps du siens, t’embrassant avec une fougue que vous ne retenez nullement. Mais très vite, tu avais encore besoin de plus. Tu la basculais sous toi et prends le contrôle de ce jeu. Tu essaies de contrôler cette envie brûlante qui en devient presque douloureuse qui irradie tout ton corps. Vos peaux se touchaient, se cherchaient, se frottaient et se séparaient. Vos bouches s’apprivoisaient, se tournaient autour puis fondaient sur l’autre, entamant un ballet langoureux et plein de passion. Vos corps s’heurtaient avec violence. Ton souffle te manquait alors que tu t’accroches à elle, cherchant encore plus de sensation, toujours affamé. Tu l’entendais te réclamer plus et tu ne te faisais pas attendre pour lui donner ce qu’elle désire. Tu plongeais dans ton désir brûlant.

IV. ENFERME LE TEMPS PERD DE SON EFFET.

Comment cela se faisait-il que tu te réveillais là où la lumière ne pouvait pénétrer, là où les fou pouvaient crier sans que personne qualifié de normal le dévisage d’un air dédaigneux et supérieur, là où tu n’étais pas en t’endormant. Hier tu étais assis contre une poubelle, plongé dans tes souvenirs d’enfance qui te faisait crier ta terreur. Et le lendemain ici, dans cet endroit dont tu ne connaissais jusqu’à la même pas l’identité. Que fais-tu ici ? Tu n’es pas fou ? Tu ne sembles pas fou ? Es-tu fou ? Tu tournes en rond, attendant des réponses et le temps te fait encore défaut. Le temps s’amuse de ta douleur. Il suffit que tu y penses pour que la froideur de cette horloge de malheur s’impose dans ton esprit. Ton souffle se coupe dans ta cage thoracique comme lorsque ton père te prenait pour imprégner ton sang sur les murs. Et comme en parfaite synchro avec ta crise, la porte de ta cellule s’ouvre. « monsieur Sewell ? » Elle semblait impassible devant ton état et attendit que tu lâche un gémissement comme réponse avant de s’occuper de toi. Tu t’endormis rapidement, heureux en quelque sorte de ne pas avoir souffert de ta crise, dans un état second. Tu ne te posais pas de question du pourquoi tu étais ici. Tu te disais que tu te poserais des questions plus tard. Car ils avaient un moyen de te faire stopper tes démons qui te hantaient. Ou alors les encourageaient-ils à t’approcher encore plus ? Tu ne savais pas. Tu espérais, mais quoi ? Ne pas être en retard sûrement. Ne pas louper ton rendez-vous avec le temps. »